A la sortie du couloir noir, j'ai découvert une toile (celle accrochée dos au couloir) avec une vue rasante... Surprise, intriguée, excitée visuellement, interrogative, questionnée par ce que je voyais. Etait-ce noir strié de blanc, ou tout noir ? Je me suis déplacée latéralement, approchée, reculée, j'y suis revenue, et revenue encore. J'ai ôté et remis mes lunettes plusieurs fois. Je ne voyais pas un tableau mais plusieurs différents selon le point de vue. Et mon cerveau donnait non une seule mais plusieurs interprétations à ma perception. D'un point de vue objectif, tout tableau, tout objet, apparaît différent selon le point de vue, mais chacune de ces vues reconstituent ensemble un unique objet. Là, intellectuellement, je savais bien sûr que c'était un seul tableau, à une place précise mais j'ai mémorisé des images bien séparées de cet unique tableau. De manière générale, les tableaux de Soulages m'ont incitée à les regarder de différents points de vue et j'ai retenu bien plus d'images que le nombre de tableaux présentés. Il a participé à l'organisation de l'exposition, une partie des tableaux a quitté les murs, il a installé des circulations. Cela amène le spectateur à recevoir ses tableaux de manières impromptues et variées.
D'autre part, il est possible de s'approcher des tableaux de très près. On a la possibilité physique de les toucher. Je ne l'ai pas fait, mais je me suis retenue. L'épaisseur de la matière, son volume, ses alternances de matité et de brillance suscitait chez moi cette envie de toucher. Toucher pour comprendre et toucher pour caresser le relief, le sentir. Alors, je les ai touchés avec les yeux.
Dernière expérience : les grands formats. Le champ de vision entièrement rempli par le tableau. Cela modifie encore la vision, la coupe de toute distraction, offre la possibilité d'une perception centrée entièrement sur un seul objet, une seule couleur déclinée en subtiles vibrations. Et par moments, ma perception visuelle m'a parue presque musicale, comme on pourrait parler de la matité ou de la brillance d'un son...
Je suis ressortie de cette exposition très apaisée mais physiquement fatiguée. Tout au long de la journée et des jours suivants, des images des tableaux me revenaient très précisément. J'ai analysé intellectuellement ce que j'avais vu, les moyens employés par Pierre Soulages pour produire ces effets, la manière dont j'avais réagi à ses œuvres. J'ai réfléchi à ses phrases. Ma perception a été bien plus sollicitée que d'habitude et sur des modes variés et imprévus, mais j'ai ressenti bien plus que des illusions d'optiques. En fait, les mots échouent à rendre compte de cette expérience. Cependant j'ai réellement ressenti une émotion artistique, élaboré des ressentis et du sens devant ces toiles. J'ai tout simplement été face à un langage plastique ouvert. A relier aux phrases de 1948 et de 1971.
D'autre part, il est possible de s'approcher des tableaux de très près. On a la possibilité physique de les toucher. Je ne l'ai pas fait, mais je me suis retenue. L'épaisseur de la matière, son volume, ses alternances de matité et de brillance suscitait chez moi cette envie de toucher. Toucher pour comprendre et toucher pour caresser le relief, le sentir. Alors, je les ai touchés avec les yeux.
Dernière expérience : les grands formats. Le champ de vision entièrement rempli par le tableau. Cela modifie encore la vision, la coupe de toute distraction, offre la possibilité d'une perception centrée entièrement sur un seul objet, une seule couleur déclinée en subtiles vibrations. Et par moments, ma perception visuelle m'a parue presque musicale, comme on pourrait parler de la matité ou de la brillance d'un son...
Je suis ressortie de cette exposition très apaisée mais physiquement fatiguée. Tout au long de la journée et des jours suivants, des images des tableaux me revenaient très précisément. J'ai analysé intellectuellement ce que j'avais vu, les moyens employés par Pierre Soulages pour produire ces effets, la manière dont j'avais réagi à ses œuvres. J'ai réfléchi à ses phrases. Ma perception a été bien plus sollicitée que d'habitude et sur des modes variés et imprévus, mais j'ai ressenti bien plus que des illusions d'optiques. En fait, les mots échouent à rendre compte de cette expérience. Cependant j'ai réellement ressenti une émotion artistique, élaboré des ressentis et du sens devant ces toiles. J'ai tout simplement été face à un langage plastique ouvert. A relier aux phrases de 1948 et de 1971.
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