15 septembre 2025

Un portrait dans la revue de Scriptores


 

 
Scriptores, association de calligraphie européenne, elle compte des adhérents en Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Allemagne me fait l'honneur d'un portrait dans leur numéro de Septembre.
 En 2018, Scriptores m'avait invitée à animer un de leurs trois stages d'été (les Zomerstage) en compagnie de Rachel Yallop et Baukje Scheppink. J'avais beaucoup apprécié cette semaine, en particulier l'organisation parfaite et la qualité de l'accueil.
 La publication est en flamand, et la définition de mes scans est plutôt basse. Mais je vous mets le questionnaire et mes réponses à la suite des images.
La couverture reprend une oeuvre sur papier enduit qui associe une linocallie (une partie du texte  - le Rayon de lune de Maupassant - est gravée sur lino puis imprimée sur papier fin et intégrée dans la peinture), des pigments, et la suite du texte calligraphiée à la plume carrée et à la plume pointue. Cela fait exister la calligraphie sur deux niveaux plastiques.




Questions for a Portrait in the Scriptores magazine.

(Vragen t.b.v. Portret in tijdschrift Scriptores.)

  1. When did you discover calligraphy and what is your background/education?

(Wat is je achtergrond/opleiding?)

Il y a 27 ans, à la bibliothèque centrale de Brest j’ai vu une exposition plutôt qualitative de calligraphie latine autour de Victor Hugo. Les oeuvres étaient calligraphiées par les membres de l’association Skrivañ. J’ai ainsi fait deux découvertes : d’une part, la calligraphie ne se limitait pas à la sphère religieuse et il y avait une association de calligraphie latine à Brest. J’étais enseignante en primaire et je reprenais une classe de Cours Préparatoire, le niveau où l’on enseigne de manière systématique la lecture et les premiers calculs. Je venais de lire l’Histoire universelle des chiffres et j’ai décidé de construire un projet annuel basé en mathématiques sur les origines historiques de la construction du nombre et sur l’histoire de l’écriture. J’ai pris contact avec le professeur d’arabe pour travailler sur l’alphabet arabe, avec l’association Skrivañ pour bénéficier d’une intervention sur la fondamentale – la caroline de Johnston) et en arts plastiques nous avons exploré les possibilités graphiques de l’outil carré en créant notamment des frises et des mosaïques avec des bâtonnets de balsa. Afin de soutenir les apprentissages avec Skrivañ, je me suis inscrite à leur cours de calligraphie et je suis tombée dans la marmite. Deux ans plus tard, j’assistais la professeur de calligraphie de Skrivañ Yveline Abernot et l’année suivante j’ai commencé à assurer les cours. Je me suis donc beaucoup entraînée pour avoir un niveau suffisant.

  1. When did you seriously start drawing the basic strokes and writing calligraphy?

(Wanneer ben je serieus met kalligrafie bezig gegaan?)

Dès le départ je me suis engagée sérieusement dans l’apprentissage, remplissant des pages et des pages. Deux méthodes de travail m’ont soutenue. En premier l’analyse rigoureuse des formes. Je comparais chaque lettre que je traçais avec le modèle et je portais beaucoup d’attention à la qualité de mon trait : je veillais à l’angle de la plume, j’identifiais le bord de plume en action sur chaque partie de trait, je décomposais la structure de la lettre, les connexions des traits, etc.. Par ailleurs, j’avais lu un texte de Michel Tournier inspiré du calligraphe Hassan Massoudy sur la respiration du calligraphe qui trace son trait sur l’expiration longue et reprend son encre en inspirantDès le départ, j’ai travaillé avec ma respiration et essayé de conscientiser les mouvements de mes muscles, le travail des pressions lié à la vitesse d’exécution, variée mais plutôt ralentie. Bien respirer me permettait de m’entraîner longtemps et de passer dans un mode méditatif.
J’avais aussi la pratique professionnelle d’une écriture scolaire parfaite depuis mon plus jeune âge.
J’avais été valorisée élève à l’école primaire pour la qualité de mon écriture et la propreté de mes cahiers et par mon métier de maîtresse d’école j’avais l’habitude d’écrire droit, lisiblement et rapidement à la craie au tableau. Pour réussir cela je visais le bout de la ligne, je rythmais mon écriture en appuyant sur les verticales descendantes et en relâchant la pression sur les traits ascendants. J’avais aussi mis au point une méthode d’écriture pour mes élèves de 5 et 6 ans qui prenait en compte les liaisons entre les lettres.

  1. What motivates you, what are your reasons to work as a calligrapher?

(Wat motiveert je, wat zijn je beweegredenen?)

Depuis toujours je suis sensible à la forme de l’écriture. J’ai toujours dessiné des alphabets en marge de mes cahiers, ou au téléphone. J’ai travaillé mon écriture toute ma scolarité pour écrire vite et lisiblement, j’appréciais les stylos à encre Waterman pour cela. Je m’amusais avec les formes : j’imitais les caractères de la machine à écrire, je traçais une capitale dont je dessinais les pleins, je recopiais les majuscules cursives dont je trouvais des modèles à l’arrière de vieux cahiers…
La calligraphie répond à différents besoins : le divertissement graphique, l’harmonie, l’envie de se dépasser comme la capacité à lâcher prise. Je veux pratiquer toutes sortes d’écritures, de la plus formelle à la plus créative et tout m’autoriser du moment que mon trait vit, que les formes produisent des rythmes et des textures ajustées, que l’ensemble s’équilibre,
sollicite mon imaginaire et crée une émotion.

  1. Who is your most inspiring teacher/instructor?

(Wie is je meest inspirerende lesgever?)

Sans hésitation aucune je cite Kitty Sabatier. J’ai eu la chance de faire beaucoup de stages avec elle, des stages d’été organisés par Scripsit et de nombreux week-end animés chez Skrivañ à Brest. Elle m’a ouvert mes portes personnelles avec bienveillance et m’a dispensé un enseignement de grande qualité. En second, je pense à Richard Lempereur dont j’allais suivre les cours à deux heures trente de chez moi un dimanche par mois et qui m’a offert la validation de mes qualités de calligraphe. Je citerai aussi Laurent Plughaupt qui a partagé sa vision de la lettre et bien sûr Yves Leterme dont l’enseignement fait consensus.


  1. By whom are you inspired? Where do you find your inspiration?

(Welke kalligrafen inspireren je?)

Kitty pour la compréhension de ce qu’est la calligraphie, Yves Leterme pour sa formalisation du polyrythme, Denise Lach pour les concepts sous-jacents autour de la texture, Massimo Polello pour la vitalité de ses lignes et ses compositions spatiales – j’ai parfois l’impression que la page est pour lui un espace de danse, Julien Chazal et Vincent Geneslay pour l’élégante harmonie de leurs lettres et leur toucher de plume,Thomas Ingmire pour sa liberté graphique.

Globalement, j’ai passé de nombreuses heures à explorer la toile pour découvrir le travail des calligraphes partout dans le monde et m’en nourrir.

  1. Do you have any favorite materials or tools and what about colours?

(Wat zijn je favoriete materialen en kleuren?)

J’aime explorer les possibilité des outils – je dois cela à Kitty Sabatier.
J’ai beaucoup utilisé le colapen. J’en fabrique : je les conçois petits, avec un manche court qui ne perturbe pas l’énergie du geste, une petite découpe sur la pointe qui offre une épaisseur de trait supplémentaire. Je les utilise aussi bien pour la gestuelle que des écritures posées ou un mix entre la calligraphie et le dessin de lettres.En plume carrée, j’ai une préférence pour la speedball C.
J’apprécie aussi la douceur du pinceau, pointu ou plat. En ce moment j’explore l’automatic pen n°5 et la plume Speedball A0 ou A1
.

  1. Did you develop a certain way of working for yourself. Do you start with a word/words or do you have something in mind to design/create.

(Hoe is je werkproces?)

J’aime explorer les possibilités des outils. Je commence par chercher des qualités de traits et des contrastes. Je me laisse la liberté de l’imparfait, je recherche différentes énergies, différents rythmes, différentes textures. Peu à peu des lettres émergent. Puis je travaille sur des mots et de nouvelles formes de lettres arrivent. Je les isole et les stocke. Ensuite je travaille des mots et des énoncés courts en différentes versions. Je reviens à l’alphabet et je recherche des variations pour chaque lettre en utilisant mon stock de découvertes mais aussi en travaillant chaque élément de la structure de manière systématique. Je fais des allers-retours entre trait, lettre, mot, texte ou texture. C’est un travail purement calligraphique qui n’aboutit pas obligatoirement à une production calligraphique finale mais qui me passionne.
Ce travail contruit des capacités qui seront ensuite disponibles quand j’aurais un projet précis.
 Lorsque je m’engage dans une production calligraphique, j’adapte la démarche en fonction du projet. Je fais parfois des recherches avec un outil en sachant qu’au final j’en utiliserai un autre dans la production finale – par exemple je prépare la calligraphie à l’automatic pen N°5 et je finalise au pinceau plat. Je peux aussi lire un texte et écouter l’émotion qu’il suscite en moi physiquement et en concevoir une interprétation globale qui mêle support, couleurs, type d’écriture. Parfois je pars d’un support de matière et c’est ce dernier qui va tout déterminer, notammant le choix du texte.

Je suis touche-à-tout et je me perçois d’abord comme une peintre. J’ai été confrontée au problème de faire dialoguer deux codes avec des règles spatiales différentes : le code de l’image et celui de la chose écrite. J’ai en général choisi de travailler la calligraphie comme un élément de la composition, et non comme élément dominant.

  1. Is clear/ readable text important as part of the creation?

          (Is leesbare tekst belangrijk?)

Je n’ai pas de règle là-dessus, c’est fonction du projet, du public et des effets que je veux produire. Actuellement ma calligraphie est plutôt lisible, ça n’a pas toujours été ainsi et j’ai des idées de travaux futurs plutôt dans le non-lisible car je veux privilégier le côté plastique de l’écriture plutôt que son côté sémantique.

  1. Could you give a description of the developments in your work?

(Kun je een ontwikkeling aangeven in je werk?)

J’ai débuté classiquement par des lignes et des lignes d’écritures historiques : fondamentale, onciale, caroline historique, textura et fraktur, chancelière et anglaise. Assez vite, j’ai regardé du côté des capitales “flamandes”, j’ai aimé rechercher des formes créatives à partir de la capitale bâton.
 Lorsque que je me retourne sur mon passé calligraphique, je constate que j’ai toujours mené de front plusieurs voies de travail : apprentissage historique, essais de gestuelles, exploration des outils, variations sur les formes, travail sur les textures et mise en relation avec mes fonds de matière aux pigments.

J’ai failli me perdre dans la recherche de perfection formelle, calligraphiant la même lettre ou le même mot des heures durant et n’en tirant qu’autocritique négative et insatisfaction. J’en suis arrivée à ne pouvoir calligraphier qu’en démonstration d’enseignement et j’ai failli arrêter définitivement la calligraphie. Pour contrebalancer l’exigence démesurée, je me suis mise à peindre de manière libre et sans enjeu de perfection mais en me centrant sur la découverte de la matière sur des panneaux de MDF (medium density fiber pannels) et j’ai lâché prise. J’y ai associé des transferts d’images d’arbres qui prenaient la place de la calligraphie et ai travaillé ainsi la composition fond/forme. C’est la série “Végétalis”. Puis je suis allée suivre un stage de calligraphie arabisante et lightgraf avec Julien Breton (Kalam) comme une débutante et j’ai retrouvé le plaisir de tracer avec un geste ample, tel une écriture dans l’espace, un geste de danse. Et j’ai repris la calligraphie sur un mode beaucoup plus apaisé, moins performatif, plus explorateur. Et mon niveau de calligraphie est monté. J’ai compris que je devais adapter mon niveau d’exigence personnelle en fonction des buts que je me choisissais et que le processus devait être paisible. Travailler en résistance m’est néfaste.

  1. Is there a future for traditional calligraphy in this digital world? During Covid many digital workshop were organized, which can still be very useful. On the other hand we experience ‘fysical’ workshops, as in Turnhout, as very valuable. What is your opinion on this matter?

(Hoe zie je de toekomst voor traditionele kalligrafie in deze digitale tijd?)

Je pense que rien ne remplace un enseignement de personne à personne dans un espace physique. Cependant, les cours en vidéo donne accès à des enseignements qui ne seraient pas accessibles autrement pour des raisons géographiques.

  1. Is there anything else you would like to share with us? Upcoming workshops, projects etc. etc.

(Aanvulling / tot slot enz.)
J’ai envie d’explorer l’aspect plastique des supports pour dialoguer avec la calligraphie. C’est ainsi que j’ai développé une pratique de suminagashi, au service de compositions calligraphiques. J’ai dans la même dynamique commencé à explorer ainsi le monde du papier décoré.

Par ailleurs, depuis bientôt dix ans, je collabore avec un peintre figuratif surréaliste, Jean-Noël Riou, qui travaille en glacis à l’huile et nous réalisons des tableaux à quatre mains. Je lui propose des univers de matière, cela suscite son imaginaire et par des modifications subtiles il y suggère des images figuratives.
A sa demande,
nous commençons à y intégrer de la calligraphie. Lorsque je calligraphie le tableau, c’est lui qui charge mon pinceau avec la bonne consistance d’huile, je trace et je lui passe à nouveau le pinceau pour qu’il le recharge. Jusqu’ici, la calligraphie s’est posée sur des tableaux déjà presque finalisés. Mais nous sommes en train de passer une nouvelle étape en décidant ensemble de la composition du tableau et des places relatives de la matière, de l’image figurative et de la calligraphie.
Cet été, nous exposerons ensemble
dans le marais poitevin à L’atelier du 112, chez Gérard Guerry qui en 2014 a eu l’idée de me faire animer mon premier stage.
J’anime régulièrement des stages de peinture et de calligraphie, à mon atelier en Bretagne, en Belgique chez De Wereld van Pixel, et à la demande d’association
s en France et ailleurs.


Et pour finir, un grand merci à Evelyne Sagot qui a réalisé le cliché qui introduit l'article.


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06 septembre 2025

Le programme des stages Anima Libri 2026


 


La liste des stages autour du salon Anima Libri (Le livre & ses métiers d'art) est parue.
Le lundi 23 et le mardi 24 février je vous propose un stage plutôt méditatif, "Cartographier la matière".
Papier enduit, jus de pigments, micro-écritures....
 Je vous en dis plus bientôt...
Pour prendre contact avec Anima Libri, organisateur des stages : animalibri@gmail.com


03 septembre 2025

Un club de haïku à Brest




 

 Grâce à une amie qui y participe depuis plusieurs années, j'ai appris l'existence d'un club de haïku à Brest, club fondé au départ par Alain Kervern. Je l'ai rejoint et j'y entame ma troisième année. Les séances de ce club sont guidées par Maïté Boucqueau, le fonctionnement est collégial, bienveillant, paisible. 
Nous nous réunissons deux vendredis matins par mois, une fois pour pratiquer et s'améliorer, une fois autour d'un projet. C'est le centre Les amarres, à Keredern qui nous accueille.
 Nous inaugurons l'année par une balade découverte du haïku dans le jardin du conservatoire botanique du Stangalard, chacun y est bienvenu.

 La balade c'est vendredi prochain, n'hésitez pas à prendre contact avec Maïté.


L'affiche a été réalisée par Patrice Motte.